Dr Jean-Michel AUGE, Dermatologue,
SAINT-GERVAIS (74) |
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A- Le traitement des poussées |
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1°) Les dermocorticoïdes : ce sont des crèmes
à base de cortisone, mal aimées, qui sont pourtant,
lorsqu'elle sont correctement utilisées, à la fois
très efficaces sur les poussées d'eczéma et
sans risques particulier. L'inefficacité qu'on leur reproche
souvent ("ça revient dès que j'arrête")
vient en général d'une mauvaise utilisation. Les effets
indésirables sont insignifiants dans des conditions normales
d'emploi. Ils sont surtout observés en cas d'utilisation
incorrecte ou dans d'autres maladies de peau nécessitant
des traitements beaucoup plus longs que dans l'eczéma. Bien
au contraire, la sous-utilisation habituelle des dermotortioïdes
est aggravante pour l'eczéma, puisqu'en le rendant
supportable elle lui permet de s'étendre à bas bruit
et que la présence de lésions chroniques favorise
les nouvelles sensibilisations.
PRINCIPES DE BASE POUR UNE CORTICOPTHERAPIE LOCALE
EFFICACE ET SÛRE
Traiter la totalité
des lésions, le plus tôt possible
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Il n'y a pas de petites poussée: une seule
plaque d'eczéma suffit à perturber la vie par
la démangeaison qu'elle entraîne, à entretenir
la maladie eczéma dans son ensemble en favorisant la
pénétration des allergènes de surface et
donc le développement de nouvelles allergies. Tout eczéma
évolutif a aussi tendance à réactiver les
anciennes plaque d'eczéma (eh oui, même guéries,
elles restent en mémoire dans la peau quelque temps).
C'est pourquoi il faut traiter l'endemble des lésions,
et poursuivre le traitement des endroits guéris en premier
jusqu'à la guerison de la dernière plaque. |
Choisir un produit
de puissance adaptée à l'endroit que l'on traite
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Des dermocorticoïdes d'activité "assez-forte"
sur le visage (Locapred, Tridesonit...), "forte" sur
le corps ou le cuir chevelu (Diprosone, Betneval...), "très
forte" sur les mains ou les pieds (Diprolène ou
Dermoval). Une puissance trop faible par rapport à l'endroit
soigné ne ferait qu'atténuer mais pas guèrir
l'eczéma. Une puissance trop forte réduirait la
marge de sécurité pour les effets indésirables. |
Choisir une présentation
adaptée à la localisation et à l'aspect
de l'eczéma
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Une lotion pour les régions pileuses, une
pommade pour un eczéma très sec ou fissuré,
une crème dans tous les autres cas. Les pommandes sont
contre-indiquées en cas de suintement. |
En mettre suffisamment,
2 fois par jour jusqu'à ce que la peau redevienne normale
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Une noisette de crème devrait couvrir la
surface d'une main, par exemple. Le corps entier d'un enfant
peut nécessiter un tube de 30g par jour. Une seule application
quotidienne atténuerait mais ne guérirait pas
l'eczéma. Arrêter le traitement avant la disparition
complète de l'eczéma exposerait à une récidive. |
Respecter une durée
maximum de 3 semaines
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Toute durée supérieure expose à
des effets indésirables, mais surtout l'absence de guérison
de l'eczéma dans ce délai est suspecte et il faut
en rechercher la cause (quantité insuffisante, puissance
trop faible ou rythme d'application trop rare du corticoïde,
infection ou suintement l'empêchant d'agir, allergie au
produit, allergène présent en permanence, épuissement
des effets...) |
Arrêter brutalement,
la peau doit rester normale au moins une semaine
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Une récidive rapide sur les sites traités
signe la résurgence de la même poussée,
et donc un traitement insuffisant. Rien à voir avec "l'effet
rebond" qu'on peut voir après une corticothérapie
générale prolongée. |
En remettre dès
le début de toute nouvelle poussée
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Avec un traitement précose, la démangeaison
est soulagée aussitôt, la poussée guérit
en quelques jours avant de pouvoir réveiller les anciennes
plaques, et le traitement ne concerne que de petites surfaces. |
2°) Les autres traitements des poussées
: ils sont soit insuffisamment efficaces (crèmes anti-inflammatoire,
sulfate sz cuivre), procurant alors au mieux une simple atténuation
des plaques mais sans guérison, soit plus risqués
comme les ultraviolets, la cortisone par voie générale,
la ciclosporine, qui peuvent entraîner des effets indésirables
graves et ne sont utilisables que dans des eczémas très
sévères. Une nouvelle molécule, la tacrolimus,
remplacera peut-être les dermocorticoides dans quelques années.
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B- Les traitements
de fond |
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Mal évalués scientifiquement, ils peuvent être
envisagés, en complément du traitement des poussées,
lorsque celles-ci sont très rapprochées ou n'arrivent
pas à guérir malgré un traitement correct.
1°) L'éviction des allergènes : elle est
très utilisée car séduisante psychologiquement
: on pense souvent tenir le ou les coupables de tous ses maux et pouvoir
plutôt que de guérir. Mais elle est souvent décevante
dans ses effets pour plusieurs raisons :
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- les allergies ne sont jamais les mêmes
d'une personne à l'autre (aucune éviction standard
n'est possible) et se renouvellent incessamment (il faudrait
adapter l'éviction quasiment mois par mois). |
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- les tests allergologiques ne concernent qu'une
minorité des allergènes présents dans l'environnement
(il faudrait avoir beaucoup de chance pour que la totalité
des allergènes responsables de la poussée en cours
soit présent dans cette minorité) et exporent
davantage l'allergie de type immédiat (dosage des IgE
spécifiques dans le sang et non dans la peau, pick-tests
qui déclanchent de l'urticaire et non de l'eczéma)
que de type retardé comme dans l'eczéma. Seuls
les tests épicutanés identifient des allergènes
potentiels, sans jamais prouver leur responsabilité dans
les lésions du moment |
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- l'éviction des allergènes identifiés
est rarement parfaite, d'une part en raison des contraintes
énormes qu'elle impose quotidiennement, aboutissant souvent
à une véritable psychose, d'autre part en raison
des multiples allergies croisées. |
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La démarche la plus raisonnable semble être celle
que tout le monde pratique déjà : supprimer ce qui
à l'évidence est responsable de poussées
d'urticaire ou d'eczéma. Il faut vivre le plus normalement
possible par ailleurs. On ne peut pas vivre sans allergène
autour de soi.
2°) La désensibilisation : les remarques précédentes
en expliquent l'inefficacité habituelle : les allergies sont
trop nombreuses et fluctuantes dans l'atopie pour pouvoir espérer
une désensibilisation artificielle efficace. Miser davantage
sur la désensibilisation spontanée.
3°) Les antihistaminiques : ils ne sont pas les anti-démangeaisons
universels et anodins que l'on croit : leur efficacité relative
dans l'eczéma n'est due qu'à leur pouvoir somnifère
(cela a été démontré récemment),
ce qui se comprend bien puisque l'eczéma n'a que peu de rapports
avec l'histamine. De plus, ils peuvent être responsables d'effets
indésirables graves comme en témoigne le retrait récent
du marché du Teldane et de l'Hismanal pourtabt largement
utilisés. Leur seule indication dans l'eczéma est
le traitement ou la prévention des manifestations urticariennes
parfois associées.
4°) Les cosmétiques : leur emploi parait de bon
sens, mais il faut faire attention à ne pas se laisser influencer
par le phénomène de monde et la pression énorme
exercée par les laboratoires qui les fabriques. Les savons
synthétiques semblent être ceux qui agressent le moins
la peau lors de la toilette. Les crèmes hydratantes peuvent
soulager la sensation de tiraillement cutané mais, non conçues
pour être appliquées sur des plaies, elles sont souvent
mal tolérées et génèrent de plus en
plus d'allergies. Elles sont donc contre-indiquées sur
l'eczéma évolutif où la peau est très
perméable. Enfin, tous ces produits sont chers, souvent assimilés
à tort au traitement des poussées, et n'ont en tout
cas pas démontré scientifiquement leur interêt
dans l'eczéma.
5°) Les autres traitements de fond : l'homéopathie,
l'acupuncture, les guérisseurs et autres magnétiseurs
obtiennent parfois de bons résultats, peut-être oar
l'influence qu'ils ont sur le système immunitaire, lui même
sous dépendance du psychisme. Il est raisonnable de "tenter
le coup", à condition de ne pas supprimer pour autant
le traitement des poussées. Le résultat serait catastrophique.
Il vaut mieux ne pas trop rêver devant la phytothérapie
ou les suppléments alimentaires du genre "acides gras
essentiels" : les principes actifs des plantes médicinales
ou suppléments alimentaires vendus en France (tisanes, gélules)
sont bien connu et sans interêt démontré dans
l'eczéma. Les plantes étrangères peuvent être
bien moins contrôlées, comme en témoignent les
quelques cas d'hépatite toxique observés avec les
herbes chinoises.
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